Chikungunya : le moustique a de l’avance
13 mars 2006
“Ce n’est pas une bataille, c’est une guerre !” Pour René Le Berre, entomologiste de renommée internationale, la lutte contre aedes albopictus, -le moustique vecteur du chikungunya- prendra des années.
Selon ce spécialiste en effet, il présente une biologie bien particulière. “Il peut se reproduire de manière exponentielle. Une seule femelle peut pondre jusqu’à 400 oeufs tous les quatre jours.” Et pour nourrir ses oeufs elle a besoin du sucroît de protéines apporté par un “repas de sang”. Voilà donc pourquoi la femelle -et elle seule- doit piquer un animal à sang chaud. L’Homme, par exemple. Par ailleurs, aedes albopictus est extrêmement résistant. “Même des oeufs quiescents peuvent revenir à la vie dès qu’il pleut, et prendre ensuite la forme de larves“.
C’est pourquoi selon lui, la lutte doit être menée dans deux directions simultanément. D’abord “détruire tous les sites susceptibles de constituer des gîtes pour les larves. Comme les cannettes vides, les vieux pneus, les bouteilles vides…” Deuxième axe, un traitement insecticide des larves du moustique. Une action extrêmement ciblée. C’est à-dire tout l’inverse en fait, de la campagne actuellement menée à la Réunion. “Il faut traiter avec le moins d’insecticide possible les gîtes larvaires naturels, et non les moustiques adultes qui eux, ne sont pas tués en quantités suffisantes par les traitements. C’est une opération que l’on doit répéter à des intervalles de temps ‘x’, où ‘x’ est légèrement inférieur au délai de transformation d’une larve en adulte. L’objectif n’est pas de parvenir à l’éradication du moustique car c’est pratiquement impossible, mais de supprimer au maximum le risque de transmission de la maladie“.
Il s’agit donc d’un travail de très longue haleine. René Le Berre parle de nombreuses années. “Nous avons mis 15 ans pour interrompre le cycle de transmission de l’onchocercose en Afrique de l’Ouest. Nous l’avons déjà fait, nous pouvons très bien le refaire. Mais il faut travailler sérieusement et non dans la précipitation. Nous devons étudier en profondeur l’identité, la biologie et l’écologie d’aedes albopictus et oeuvrer dans le respect de toutes ces particularités“. Et ensuite travailler sur le terrain, en impliquant les professionnels, les politiques mais aussi les populations locales.